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380 Sonetti del 1834

degrés en suppliant le Pape instanter, au nom du cardinal procureur, de vouloir bien déclarer saint le béat. Le Pape répond, par l’intermediaire du secrétaire des brefs, qu’il est très désireux de favoriser le postulant, mais que l’affaire est des plus sérieuses et qu’il invite l’assistance à prier pour que Dieu l’illumine. L’avocat et le cardinal procureur, qui s’étaient avancés, se retirent: tout le monde s’agenouille et on rècite les litanies des saints. Quand le Pape remonte à son trône, le cardinal et l’avocat reviennent de nouveau, et ce dernier répète la demande en disant: instanter et instantius. Le Pape refuse encore et ordonne de nouvelles prières, alors il se fait un grand silence, pendant lequel chachun est censé se recueillir et faire nouvellement une prière qu’il croit efficace; ce silence est interrompu par le Pape qui entonne le Veni Creator, et pendant que tous les autres chantent, il revient à son siège. Le cardinal et l’avocat retournent encore le supplier, et cette fois, instanter, instantius, instantissime. Le secrétaire des brefs répond que le Pape, convaincu de faire une œuvre agréable au Très-Haut, s’est résolu à prononcer la sentence. Mais si depuis plusieurs mois déjà il était résolu, et si avant d’entrer à l’église il avait appris par cœur la formule de la sentence, à quoi bon toutes ces jongleries? pourquoi se faire prier, instanter, instantius, instantissime? Il n’a pas la prétention d’en imposer aux hommes: chacun sait que la journée ne se passera pas sans que le béat soit sanctifié; peut-être a-t-il la prétention de se jouer de Dieu? A la voix du secrétaire des brefs, tout le monde se lève et le Pape prononce le décrèt qui, à raison de son impertinence, doit être cité textuellement: Auctoritate nostri domini Iesu Christi, sanctorum apostolorum Petri et Pauli, ac NOSTRA, ad honorem sanctae et individuae Trinitatis.... on comptera parmi les saints de l’Église tels et tels. Ces mots, ac NOSTRA, définissent Rome. L’avocat consistorial demande alors que l’on expédie les lettres apostoliques, c’est-à-dire, le diplôme de sainteté, et le Pape répond: Decernimus. Le cardinal postulant monte à ces mots les degrés du trône, et dans son transport, il baise les mains et les genoux du Pape. L’avocat se tourne vers le protonotaire et le prie de rédiger l’acte, à quoi les autres répondent: Conficiemus; le consistorial, avec assez peu de respect pour leur parole, dit aux camériers secrets: Vobis testibus. On chante alors le Te Deum, les trompettes de la garde noble se font entendre, on tire les mortiers préparés sur la grande place, l’artillerie tonne, les cloches de la ville sonnent pendant une heure; la comédie est jouée, il ne reste plus qu’à payer les acteurs. Dans l’église même,