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parlez-moi de Racine! Je vous en aurai grande obligation, parce que vous m’ instruirez, ou me divertirez pour le moins. Mais ne vous éloignez pas un pas de chez vous, et ne vous frottez jamais plus á Dante, ni au Pulci, ni á l’Arioste, ni au Tasse, ni á aucun autre auteur italien, je vous en supplie pour l’amour de vous-méme ! Il est si aisé de découvrir les imposteurs quand ils veulent se méler de ce qu’ils n’entendent point! Savez-vous que vous extra vaguez, méme aux endroits oú vous louez ces auteurs-lá? A l’égard de ce morceau de Dante que vous avez prétendu traduire (•), savez-vous qu’ il esttrès beau dans l’originai, et que votre prétendue traduction n’est qu’un libelle moitié ridicule et moitié infame contre la mémoire de ce grand homme? libelle qui mérite d’étre brulé sur la cime du Parnasse par la main du bourreau des muses? Si vous entendiez l’ italien, poète comme vous étes, vous seriez enthousiasmé de Dante tout comme moi et comme tant d’autres de mes compatriotes l’ont été depuis plus de quatre cents ans.

Outre Algarotti, Frugoni et Bettinelli, nous avons encore en Italie bien des messieurs capables de faire des centaines de vers blancs et des vers rimés en moins de temps que vous et moi n’en ferions dix. Mais il n’est pas nécessaire de vous dire que des insectes bientót nés sont bientót morts. Ces innombrables membres de toutes nos Académies municipales, et surtout nos pasteurs de l’Arcadie de Rome (2), c’est la peste que leur facilité á faire des vers! Vous souvenez-vous de la dame flamande qui accoucha d’un coup de trois cent soixante-cinq enfants? Ces gens-lá sont tous des dames fíamandes. Mais permettezmoi de vous dire que si l’Arioste leur eút ressemblé, jamais vous n’auriez entendu son nom. Sachez que l’Arioste corrigeait

(i) Voyez les Mélanges de littèrature de inonsieur de Voltaire.

(2) Il y a á Rome une nombreuse société d’ hommes et de femmes soi-disants poètes, qui s’est donne le nom d’«Arcadie» et dont tous les membres s’appellent «pasteurs». Dans plusieurs villes et villages d’Italie, il y a aussi d’autres petites sociétés pseudo-poétiques, qui s’intitulent «colonies d’Arcadie». On pale un écu de six francs pour ètre reca pasteur dans l’Arcadie de Rome. Qui voudrait ne pas étre poète quand il en colite si peu?